L’art délicat du tourisme bourrin

THéo COurant

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L’art délicat du tourisme bourrin

L’expérience du voyage n’exempte pas les individus de leurs défauts. Il y a cependant des personnes qui semblent être des artistes, des maîtres d’un art de l’irrévérence et de la désinvolture en voyage. Tour d’horizon de ces petits défauts irrespectueux et de l’art délicat du tourisme bourrin.

Tag d'un touriste chinois sur des hiéroglyphes égyptiens

Le récent ramdam autour de chinois se livrant à un assaut sur un stand de crevettes a encore une fois souligné la difficulté pour certains/certaines d’adopter un comportement approprié en voyage. Souvent montrés du doigt ces derniers temps par les autorités thaïlandaises, les touristes chinois semblent apparaître comme une population des plus ingérables sur certains aspects. Pourtant à regarder de plus près, ces débordements sont partagés par beaucoup. Regardons donc ces fameux préceptes de cet art délicat du tourisme bourrin.

Parler fort tu feras

C’est étrange, comme parfois, le fait d’être en groupe entraîne automatiquement un effet sur le volume sonore. Les discussions à l’étranger et plus spécialement dans un pays avec une langue diamétralement opposée prennent un espace bien plus grand, comme si le fait de ne pas être compris libérait l’émetteur dans sa retenue, dans le sentiment d’être seul avec son groupe de pairs. Par exemple, nous sommes dans un minibus, plus de place côte à côte, moi à l’arrière, mon ami à l’avant, qu’importe, continuons nos échanges et qu’importe qu’il y ait du monde autour.

Torse nu tu paraderas

C’est bien connu, quand il fait chaud, il est agréable d’être vêtu léger. Pourquoi donc s’embêter à mettre un t-shirt, c’est les vacances, la température est haute, on transpire, alors zou ! Quittons nos haillons et mettons-nous à l’aise. La ville, la plage, le temple, les lieux sacrés, il fait chaud partout, alors pourquoi pas !! Privilège des hommes de se balader torse nu, n’empêchent pas nombre de filles de porter également des t-shirts tout autant échancré devant que sur les côtés. Certains diront que nous jouons les prudes, peut-être, mais dans un pays comme la Thaïlande la pudeur est de mise. Même si l’on peut voir dans certains quartiers des filles ou des hommes dans des tenues plus que légères, ils sont cantonnés dans un endroit donné. Comme dans toute culture, il y a des normes vestimentaires, des moments tacites où l’on peut ou pas faire ce que l’on veut. S’habiller avec une perruque rouge, en tutu avec des charentaises est totalement justifié au moment du carnaval, mais perd toute sa signification en dehors. Codes et normes s’apprennent, décoder prend du temps, ne pas s’astreindre à des principes de savoir-vivre font preuve avant tout d’un manque d’intérêt envers l’autre.

L’art délicat du tourisme bourrin

Te doucher, tu reporteras

Mystère de l’hygiène, qu’est-ce qui est propre, qu’est-ce qui est sale… difficile évaluation. Il y a parfois chez quelques voyageurs un laxisme certain qui n’est pas sans rappeler les difficultés que les adolescents ont à se laver. Rapport au corps singulier, défiance à la règle commune, mise à distance de cette carcasse qui est en quelque sorte éprouvée, il est  difficile de dire ce qui explique cette mise à l’écart de la savonnette et de la machine à laver le linge. Mais dans tous les cas, sous les tropiques, sous 35° degrés, ce genre de rapport à soi entraîne aussi les voisins. L’espace est accaparé par des effluves, certes peu dérangeantes pour l’émetteur, mais pas forcément comprises et admises par les autres.

Pieds nus, tu circuleras

L’Asie du Sud-Est est le royaume de la tong. En dehors du fait que nous sommes dans des contrées chaudes, les flip-flop sont idéales dans des régions où l’on doit se déchausser en permanence. Pour entrer chez quelqu’un, dans un temple, il est essentiel de quitter ses chaussures. L’espace privé et sacré est ainsi préservé de toutes les impuretés qui sont à l’extérieur. On peut même voir dans cet acte de quitter des chaussures, une marque, une frontière de l’espace entre le public et l’intime.

Symboliquement, les bonzes quittent leurs chaussures le matin pour aller faire l’aumône. Acte qui marque l’abandon de la chose matérielle et affiche une condition d’être.

Mais voilà quand un touriste-voyageur ôte volontairement ses chaussures et va-et-vient à l’extérieur, il est loin de la figure monacale et affiche surtout son incapacité à saisir certaines règles de savoir-vivre. Il est peut-être cool pour ses congénères, mais extrêmement sale et mal élevé pour les populations locales.

Selfie, tu prendras

Une nouvelle pratique dans cette liste des petits défauts irrespectueux du voyageur, le selfie. L’amour propre, la nécessité impérieuse et narcissique de se photographier 60 fois dans la journée est pour beaucoup ‘le’ geste nécessaire pour valider une bonne journée. Geste que l’on peut comprendre de temps de temps mais qui fatigue quand il est répété ou dans un même lieu par une dizaine de touristes en même temps. Cependant, il est amusant d’observer le déroulement d’un selfie : individu souvent acariâtre, le « selfeur » sort son plus large sourire et son meilleur profil pour cette photo de l’instant (partagé ou pas sur les réseaux sociaux) et qui une fois terminée se renferme à nouveau sur soi…

Les anthropologues aiment dire que l’outil est le prolongement du bras de l’homme, au XXIème siècle, le selfie et son manche sont plus qu’un bras, c’est un prolongement du narcissisme de soi, de la volonté de s’afficher et de se mettre en valeur pour une communauté virtuelle ou pour un carnet de photos de l’entre-soi.

Empathie tu oublieras

« Go inside, please ! » cette phrase ou cet ordre (tout dépend du ton) est la phrase que l’on peut entendre systématiquement quand on prend le bateau sur le Chao Phraya. La raison est simple, à chaque arrêt dans un embarcadère une masse de touristes entre et aime rester à l’arrière du bateau. Le seul inconvénient est que l’arrêt suivant, d’autres touristes font de même. L’équipage rappelle donc régulièrement d’entrer dans le bateau, pour pouvoir s’installer correctement, et laisser les axes libres pour les entrées et les sorties. Mais le touriste préfère se serrer les uns contre les autres, ne pas entrer dans ce bateau par crainte de louper son embarcadère … L’équipage a beau faire comprendre de l’importance de laisser un passage, rien n’y fait, le « go inside » se transforme alors en « GO INSIDE ».

Alors certes, la phrase est peu élégante, parfois le ton est dur, mais imaginons que cet état de fait est systématiquement reproduit par tous les voyageurs et que pour l’équipage c’est 12 heures de « Go inside » ! On peut alors comprendre que cette recommandation n’est pas forcément une agression, mais une fatigue bien humaine… et que le plus violent est peut-être ce genre de propos « tu as vu comme elle m’a dit d’entrer à l’intérieur, sans sourire ! Bonjour le pays du sourire !»

Conclusion sur cet art délicat du tourisme bourrin

Il apparaît qu’il y a des dimensions souvent difficiles à percevoir en voyage, des dimensions cachées comme dirait Hall. Mais ces dimensions, ces proxémies, ces rapports à l’espace peuvent être décodés si le voyageur s’ouvre un tant soit peu à cette altérité, à ces cultures qu’il est à l’origine venu découvrir.