Koh Chang : le bateau fantôme - Ghost Ship
Koh Chang’s Ghost Ship ou le bateau fantôme n’est pas le dernier navire Jack Sparrow, mais une bâtisse abandonnée en plein cœur de l’île. Seul quelques intrépides y viennent s’émoustiller en espérant que son histoire maudite ne soit que récit imaginaire.
Étrange expérience !
Koh Chang, l’île aux éléphants sauvages, l’île aux eaux turquoises, l’île du tourisme apparaît comme la destination relaxante, à l’ambiance amicale. On y vient pour découvrir les beautés naturelles avec émerveillement. Mais loin du poisson clown ou du coucher de soleil en amoureux allongés sur un ponton, Koh Chang n’en demeure pas moins une île thaïlandaise où le mystique, les histoires de fantômes et d’esprit s’imprègnent dans les histoires locales.
Les sites abandonnés ne sont pas rares en Thaïlande. A chaque site, une histoire, un récit qui fait qu’un bout de terre, de bâtiment, d’immeuble ne trouve pas d’investisseur. La Ghost Tower (voir plus bas) de Bangkok en est un parfait exemple. Lieu étrange que cette tour en perdition en plein cœur du quartier Sathorn, le quartier des affaires, là où le m² s’arrache à coup de millions, la tour est là depuis des années, personne ne voulant investir, par peu d’être damné, maudit. La superstition est ici plus forte que tout.
Histoire d’un naufrage …
“The Galaxy” ou le Ghost Ship était il y a une dizaine d’années, la principale attraction d’un complexe hôtelier construit au sud de l’ile. Un lieu idyllique rythmé par le bruit des vagues et du vent dans les feuilles de cocotiers. Le Galaxy c’était le délire d’un homme qui avait eu la géniale idée de construite un bateau de croisière en béton à quelques mètres d’une plage déserte. Le bateau de 7 étages ou 7 ponts possède 70 chambres luxueusement équipées. Ascenseurs, moquette, lustres de grandes tailles, personnels qualifiés, vue sur le lagon, piscine au pied du bateau etc etc… le complexe avait de nombreux atouts, mais rien n’a marché ! Du jour au lendemain, le complexe a fermé. Le personnel renvoyé, on condamna les portes tout en oubliant de fermer quelques fenêtres qui devinrent rapidement les seules entrées pour les chats et les amateurs d’urbex.
Aujourd’hui encore, des années après la fermeture, rien ne semble avoir bougé. De l’extérieur la bateau est là. Trônant dans un espace dégagé et entretenu. A l’intérieur, le constat est le même. Les lits des chambres sont encore équipés de leur matelas et de leur traversin, seuls les draps sont absents. Les tables de chevet sont juste recouvertes d’une fine pellicule de poussière. Dans les couloirs, l’humidité s’est imprégnée dans la moquette, dégageant une atmosphère lourde, chargée d’une odeur âcre, pénétrante, allergène. Ci et là des infiltrations décolorent les murs qui se laissent peu à peu gagner par la pourriture. Les cuisines sont encore équipées, rien n’est vraiment abimé, seul le temps a fait quelque peu son œuvre. Le temps s’est arrêté. Nom prémonitoire, entrer dans le Galaxy laisse vraiment cette sensation d’entrer dans un autre univers, dans un espace digne de la 7ème dimension.
… et histoires de fantômes
Pour savoir quels sont les raisons de cette fermeture soudaine, il faut beaucoup chercher, et il faut surtout beaucoup écouter avec humilité et patience. Il faut ensuite tirer le vrai du faux, trouver où est le récit folkloriste pour curieux et où commencent véritablement les croyances populaires. Qu’en est-il vraiment de cette fermeture ? Deux récits reviennent dans des versions différentes mais ayant chaque fois une structure commune.
Le lieu sacré et violé
Construire un bâtiment en Thaïlande est une affaire sérieuse. Très sérieuse. Beaucoup s’étonnent qu’un étranger ne puisse être architecte au pays du sourire. Il peut collaborer, mais ne peut décider. Celui qui a le dernier mot, n’est pas le propriétaire, mais l’astrologue. C’est lui qui approuve, qui modifie les plans ou apporte les solutions (voir le post en référence plus bas).
Or l’histoire locale rapporte que ce n’est pas tant la banqueroute qui a définitivement coulé l’affaire que le non-respect du lieu. Le Galaxy aurait été construit sur un terrain que beaucoup qualifie de sacré. Deux erreurs auraient été commises.
La première serait l’arrachage d’un banian sacré qui était depuis toujours vénéré. Non pas que ce dernier était d’une grande taille, mais qu’il était le lieu où nombre d’éléphants sauvages se rassemblaient (pour quelle raison à cet endroit ?). Couper l’arbre était donc un acte de violation envers les esprits qui y séjournaient, mais également envers l’éléphant, animal sacré en Thaïlande. Ce regroupement de cet animal somme tout grégaire n’apparait pas forcément pour le novice comme un fait extraordinaire. Mais pour la population locale, le fait qu’un nombre conséquent d’animaux ait été vu au même endroit à des périodes données, apparaissait comme un évènement particulièrement symbolique. Détruire ce lieu est alors apparu comme une offense à ces animaux emblématiques.
Transformer un espace sacré sans rituel de purification et sans prendre en compte les croyances locales, ne crée que désordre et désolation. Tout accident qui arrive sur ce lieu n’est plus fortuit, mais vengeance et destin. Rien ne peut y faire devant un tel sacrilège.
Les accidents … le mauvais sorts
L’autre récit qui ressort est celui de l’accumulation d’accidents. Il n’y a pas eu d’accident mortel, mais une succession de petits évènements qui ont fait que le bateau est devenu un lieu maudit. Un lieu qui était un éden pour le nouvel arrivant, mais un vrai enfer pour celui ou celle qui y travaillait. Le touriste qui tombe malencontreusement, un autre qui fait un malaise, un membre du personnel qui se blesse, des accidents anodins mais qui répétés, jour après jour, créent un véritable malaise pour le personnel et même pour les personnes extérieures conduisant les touristes dans ce coin de l’île.
Quel est véritablement l’élément déclencheur ? Quelle est la goute d’eau qui a fait déborder l’eau du vase ? Beaucoup parlent d’une chute d’un touriste qui aurait été l’élément déclencheur. Difficile à savoir. Dans tous les cas, l’accumulation de mauvaises nouvelles a dû participer pleinement à cette rapide fermeture.
Des explications plus pragmatiques
Mais si l’on accorde beaucoup d’intérêt aux esprits qui seraient responsables de cette fermeture, d’autres arguments plus pragmatiques sont aussi présentés par des esprits beaucoup plus cartésiens.
En effet, certains rappellent que le bateau a été construit dans une zone où prospéraient les moustiques de la dengue et du paludisme. Le paradis se transformait en cauchemars pour les clients à leur retour de vacances. L’hypothèse est intéressante mais apparaît quelque peu limitée quand on pense aux différentes campagnes que l’île a connues pour endiguer ce problème.
Enfin, l’argument plus terre à terre : le Galaxy n’a jamais trouvé sa clientèle. Si l’idée de construire un bateau pouvait présenter un certain intérêt, son implantation sur terre ferme s’avérait être une mauvaise idée.
En effet, beaucoup de clients se plaignaient de contraintes inhérentes au bâtiment : manque d’air ou circulation de l’air insuffisante, humidité constante accentuant le côté claustrophobe du bateau (manque de lumière), … bref un ensemble d’éléments qui ne pouvait que desservir un établissement voulant jouer dans la cours des hôtels de luxe.
Urbex ou le tourisme des friches et des sites abandonnés
La fermeture du Galaxy a pourtant fait des heureux. Ils ne sont pas nombreux, mais tous les amateurs d’urbex visitant la région ont pu ainsi se faire quelques frissons en pénétrant illicitement à l’intérieur. Urbex est la contraction d’Urban Exploration. Le Ghost Ship est un site unique dans l’univers de l’urbex. En effet, il est très rare de trouver de tel bâtiment sur des îles.
Si de nombreux amateurs d’urbex ont pu profiter pleinement de la découverte du bateau pendant plusieurs années, il est maintenant (presque) plus possible d’accéder facilement à l’intérieur de la bête. En effet, les seules fenêtres encore ouvertes sont à l’étage. Il est donc nécessaire d’escalader l’ensemble sans trop se faire voir. Cette ascension est dangereuse et les gardiens ne tolèrent plus les visiteurs trop curieux.
Il est à noter que tous les visiteurs du paquebots ont eu l’intelligence de ne pas transformer cet espace si singulier en espace de tag ou de graphe. Il n’y a pas eu d’appropriation d’un mur. Les nouveaux visiteurs peuvent ainsi découvrir cet espace encore dans son jus, sans avoir la sensation de passer après la bataille…
Une plage et un hôtel
Demeure quand même une autre surprise. Si la Galaxy a totalement fermé, il y a juste à côté Boat Chalet Koh Chang. Il s’agit d’un hôtel qui propose des bungalows ou des pavillons.
Cependant, si la visite du Galaxy peut être un objectif, la plage “Klong Kloi Beach” qui le jouxte en est un autre. Désert, on peut en profiter pleinement pour buller, nager, lire en toute tranquillité !
Infos pratiques
Attention : pour entrer dans la zone du Galaxy, il est nécessaire de passer un garde-barrière. Ce dernier, selon son humeur, fait payer l’entrée entre 50 et 150 baht. La raison invoquée par le garde est que la plage est privée… et qu’il faut donc payer pour y accéder !