Thaïlande : le TGV pour demain ?
La Thaïlande souhaite d’ici 5 ans avoir des trains circulant à plus de 250 km par heure sur son territoire. Le but est double : fluidifier le trafic et redessiner le réseau actuel pour dynamiser l’économie de nombreuses régions.
De grands objectifs, de grands projets :
Plusieurs projets sont donc menés de front depuis plusieurs années. Paradoxalement les travaux avancent bien malgré la pandémie. Il ne semble pas que les effets négatifs du Covid aient un impact direct sur l’avancement des travaux.
1er étape : un nouveau centre, une nouvelle gare
C’est une petite révolution qui va se dérouler normalement en 2021 avec la nouvelle gare de Bang Sue (voir plan ici). Elle remplacera la vieille gare de Hualamphong âgée de 103 ans située au cœur de la ville. Cette nouvelle gare sera une plaque tournante, le point central reliant les nouvelles lignes de train à grande vitesse au reste du réseau ferroviaire et réseau urbain.
C’est un mastodonte qui remplace une vieille dame, charmante, mais qui ne pouvait plus assurer les exigences de son époque. La plus grande gare ferroviaire d’Asie du Sud-Est va donc bientôt ouvrir : la Bang Sue Grand Station. Une gare sur trois étages avec 26 quais. Tout ça dans un bâtiment long d’un peu moins de 600 mètres et large de 240 mètres. Grand, très grand.
2ème étape : une ligne à Grande vitesse direction le Laos et plus si affinité !
La première ligne à grande vitesse de Thaïlande (TGV) devrait être terminée pour 2023. Ce projet validé par la junte militaire en 2017 a déclenché de nombreuses critiques. Le principal argument des opposants aux TGV portait sur l’utilité d’une telle ligne quand on prenait en compte le coût de la construction et le nombre de passagers envisagés. Argument rapidement évacué grâce à la participation de la Chine.
Malgré ces petites oppositions, les travaux de la ligne ont débuté et se poursuivent à un rythme assez soutenu. Son tracé suit les anciennes voies ferrées.
Son tracé :
Départ de la gare de Bang Sue Grand Station (nouvelle gare) direction Don Mueang airport, Ayutthaya, Saraburi, Pak Chong (proche Khao Yai), terminus Khorat. A long terme la ligne devrait être prolongée jusqu’à Nong khai - à 600 km de Bangkok) frontière laotienne.
La direction de la ligne n’est donc pas le fruit d’un hasard quelconque mais le résultat d’un plan de développement à grande échelle qui se veut national et international. En effet, il ne s’agit pas de rejoindre seulement le Laos mais aussi, à terme, de rejoindre l’autre ligne ferroviaire en construction partant de Kunning au sud de la Chine. On est dans ce cas-là peu étonné que le financement soit aussi assuré en très grande majorité par des fonds chinois.
3ème projet : la ligne à grande vitesse reliant les aéroports internationaux
Cette ligne pour TGV devrait dans un premier temps relier les deux aéroports internationaux de Bangkok. La ligne va fonctionner en parallèle au Airport Rail link.
Cette ligne permettra de réduire le temps de trajet entre les deux aéroports à 20 minutes contre 1h à 1h30 actuellement. Dans une seconde phase, elle rejoindra l’aéroport de Pattaya a moins d’une heure.
Le tracet :
Cette ligne passera par la nouvelle gare de Bang Sue. Elle distribuera également Makkasan, Chachoengsao, Chonburi, Sriracha et Pattaya – l’aéroport d’U-Tapao situé à 120 km de Bangkok. Cette ligne devrait ouvrir en 2024.
Remarque l’aéroport d’U-Tapao :
Ce dernier va subir un gros lifting pour devenir le 3ème aéroport international de Thaïlande. Il pourra absorber 10 % du trafic en plus et permettra de diminuer le nombre de vol arrivant ou partant depuis Bangkok.
Les contre-temps et les risques
Les projets sont tous lancés voire pour certains en voie d’achèvement mais des doutes et des questionnements demeurent.
En effet, si les lignes à grande vitesse présentent de nombreux avantages, un des principaux problèmes est le coût de construction. Avec le ralentissement actuel de l’économie mondial, les crispations générales pour les investissements, ces projets peuvent apparaître déconnectés des changements que s’opèrent depuis peu. La baisse du nombre de touristes est une variable parmi tant d’autres.
La question de la centralisation est également présente. Alors que le réseau ferroviaire souffre dans de nombreuses régions par un manque de financement chronique comme les lignes du sud (absence de doublement des voies), ces projets de TGV centralisent tout autour de Bangkok (Bang Sue). Ils aspirent à eux seul une part non négligeable du budget ferroviaire et des investissements de la SRT.
De plus, le développement de ces lignes va avoir des impacts sociaux notables. Pour la construction, il va être nécessaire d’acheter des terrains mais aussi d’exproprier de nombreuses familles. Il y a donc un coup social significatif, dans une période marquée par l’augmentation des inégalités, de chômage et d’incertitude.
De même, si les projets sont beaux sur le papier, les aspects pratiques questionnent notamment sur la faisabilité des connectivités entre les différentes lignes internationales. L’exemple avec la ligne desservant la frontière avec la Malaisie est parlante. Depuis des années, les trains s’arrêtent de chaque côté de la frontière. Il en est de même avec la dernière liaison qui a ouverte avec le Cambodge.
Enfin, un problème majeur apparaît avec la dépendance technologique de la Thaïlande avec la Chine. Les TGV seront chinois. Dans les contrats aucun transfert de technologie est prévu. Aucune production ne se fera sur le sol national. Sans oublier les financements de ces projets qui sont en grande majorité chinois ou qui font partie du grand voire du très grand projet chinois de la Belt and Road Initiative (BRI). Il y aura sans doute des TGV en Thaïlande mais à quel prix ?