Si Quey, le serial killer cannibale thaïlandais

THéo COurant

Voyager en Asie du Sud-Est

fr-FRen-GB
News

Thaïlande : Bilan du Festival de Songkran 2024, Impact Positif sur le Tourisme

Thaïlande - Cannabis: Avril 2024 : Débats et Délais sur La Législation interdisant le Cannabis en Thaïlande

Thaïlande - Calendrier: Avril en Thaïlande, Guides des festivals et des principaux événements

Thaïlande : Taxe touristique, Une solution contre le surtourisme ?

Si Quey, le serial killer cannibale thaïlandais

Faites entrer l’accusé ! Comme dans tous les pays, la Thaïlande a son lot de criminels. L’un d’eux, Si Quey Sae Ug, est sans doute le plus connu. Son surnom le serial killer cannibale.

Un corps, un musée et l’éthique

Le musée médico-légal de Siriraj est un musée par définition particulier. Il présente des organes atteints de malformations en raison des effets de maladies, d’infections ou de problèmes congénitaux. Mais à côté de ses manifestations naturelles, le musée présente également des corps humains : celui de victimes (accident, homicide) ou de bourreaux. Si Quey (ou See Uey) fait partie de cette dernière catégorie. Depuis 1959 son corps momifié est présenté au public avec une étiquette qui était encore il y a peu stipulée « cannibale ».

Depuis un an cette fameuse appellation a été changée pour devenir « condamné à mort ». Cette modification de "cannibale’ en “condamné à mort” a été demandé par les membres de sa communauté. Ils mettent en doute les conclusions de l’enquête et surtout, ils demandent depuis des années un minimum de dignité envers la dépouille d’un homme que certains considèrent comme innocent. Le corps va donc être enlevé de cette exposition publique afin d’être brûlé selon les rites bouddhistes. Pour rappel, Si Quey a été reconnu coupable du meurtre de 6 enfants. Le 1er jugement l’a tout d’abord condamné à de la prison à perpétuité. En appel, le jugement fut moins clément et prononça la peine capitale. Il fut fusillé quelques mois plus tard.

L’affaire est maintenant ancienne, les passions sont redescendues, la clémence ou l’indulgence commence à fissurer une affaire qui s’avère bien plus complexe qu’il n’y parait.

La version officielle

L’histoire commence toujours par un évènement banal. Un jeune garçon, Somboon, tout juste âgé de 8 ans est chargé par ses parents d’aller acheter quelques légumes chez un jardinier chinois. Au bout de quelques heures, constatant l’absence de leur fils, les parents commencèrent à chercher Somboon à l’aide de voisins et d’amis. Par réflexe, ils se rendirent chez le fameux jardinier chinois. Ils le trouvèrent là, au milieu de son jardin en train de brûler des herbes et des branchages.

Le jardinier avoua qu’il n’avait pas vu le jeune garçon. La petite foule commença à rebrousser chemin, quand une odeur particulière attira l’attention du père. Instinctivement, il se tourna vers le feu, pris une branche, dégagea les feuilles et découvrit dans une stupeur qui vira très rapidement en écœurement une jambe et d’autres parties du corps éviscéré de son jeune fils. La foule tomba sur le jardinier qui résista aux coups jusqu’à l’arrivée de la police.

Très vite le jardinier, Si Quey, avoua le meurtre mais aussi le fait qu’il avait arraché les intestins afin de les manger. Il admit également que ce n’était pas sa première victime et que précédemment il avait déjà tué 5 autres enfants. Le motif était toujours le même : manger de la chair humaine lui donnait un pouvoir spécifique et qu’il avait pris goût à déguster certaines parties de corps telles que le cœur, les intestins et le foie.

Les victimes

Rapidement la police a donc rapproché ce crime avec des affaires qui étaient restées en suspens. Les corrélations étaient fortes et Si Quey corrobora rapidement les accusations. Tous ces meurtres avaient eu lieu entre 1954 et 1957 dans trois villes : trois à Prachuap Khiri Khan, un à Bangkok et un à Nakhon Pathom. Les victimes avaient entre 5 et 11 ans. Toutes les victimes avaient été éviscérées et toutes avaient eu des organes prélevés. Si Quey avoua qu’il mangeait normalement le cœur de ses victimes, mais qu’il avait dû faire une exception pour le plus jeune car son cœur était trop petit. Il avait donc préféré l’œsophage du jeune garçon.

Si-Quey

L’histoire d’un homme au lourd passé

Les enquêteurs et les journalistes ont tous tenté de savoir qui était cet homme. Or l’histoire de Si Quey n’apparaît pas facilement, ce que l’on sait est le fruit de recoupements. Si Quey n’a jamais été très bavard sur son passé et son parcours de meurtrier. Il est né en 1927 dans la région de Shantou en Chine. Ses parents étaient, semble-t-il, agriculteurs.

Le tournant de sa vie se déroule à ses 18 ans en 1945. Il est enrôlé pour combattre les japonais. Lors d’une mission, l’armée nipponne va encercler son unité pendant des semaines. Dans l’incapacité de bouger et de recevoir du soutien, son unité va peu à peu s’étioler, se transformer en unité de crève-la-faim. La seule issue qu’il aura pour survivre sera alors de manger les corps de combattants morts. Cela sera son initiation au cannibalisme, à la construction de cette idée folle que la chair humaine le rendra invincible.

A la fin de la guerre, il va suivre la vague d’immigration chinoise vers la Thaïlande. Il trouva un travail comme jardinier à Prachuap Khiri Khan. C’est là qu’il va commencer sa trajectoire de cannibale. Si Quey va avouer que se première victime a été un petit garçon de 8 ans. Une première victime chanceuse qui va lui échapper. Un mois plus tard, il ne se loupa pas et kidnappa un jeune garçon de 11 ans. On retrouva son corps le lendemain. On constata l’absence du cœur, du foie et des reins.

Le procès

Le premier procès attira la foule. Les attentes étaient nombreuses, les familles des victimes étaient toutes là et demandèrent la peine maximale. Au bout de 9 jours de procès, Si Quey fut reconnu coupable et condamné à la perpétuité. Il échappa à la peine de mort du fait qu’il avait plaidé coupable. Cette peine ne convint pas au procureur ni à la foule. Il fit appel.

Le second procès débuta et se conclut très vite par une condamnation à mort. Un peloton exécute Si Quey le 17 septembre 1959.

Le doute

Malgré les aveux, des zones sombres demeurent dans cette histoire. Certains remettent en question la chronologie des faits et le parcours de l’accusé. L’autre problème était lié aux dépositions de l’accusé. Si Quey ne parlait pas un mot de thaï. Toutes les communications qu’il pouvait avoir avec les autorités, les juges passaient par le prisme de traducteurs.

Autre élément en sa défaveur, le contexte de son exécution qui correspond à la période la plus tendue avec la Chine. A l’époque le sentiment anti-chinois est fort, la peur du communisme est omniprésente et très redouté par l’homme fort du pays, le maréchal Sarit. Le même qui va signer l’ordre de son exécution.

D’autres soulignent aussi que l’enquête a très vite laissé tomber la piste d’un autre suspect, celle d’un boucher thaïlandais qui avait été identifié comme le probable tueur d’enfants. Enfin deux éléments primordiaux manquent à l’enquête : l’analyse médico-légale des victimes et une expertise psychiatrique. A aucun moment n’a été posée la question de l’irresponsabilité pénale de Si Quey, l’accusé était-il atteint de troubles mentaux ?

Mettre un point final

C’est sans doute cette dernière question qui a fortement influencé la décision de sortir la dépouille de Si Quey du musée. Exposer ainsi des corps à la vue de tous, même dans l’enceinte d’un musée, sans aucun accord, interroge. Que ce soit sur le cadre légal de la chose, sur la question éthique et tout simplement morale. C’est aussi une manière de retirer de l’espace public un témoignage ravivant de nombreuses blessures. Ne plus exposer, c’est faire totalement la place au travail du deuil et cela permet aussi à la société d’oublier les évènements noirs de son histoire.