Le zèbre et le passage piéton
Il n’est pas rare de voir dans les rues ou les carrefours de villes thaïlandaises, des amas de statues de zèbre… tentative d’explication.
Des zèbres thaïs
Que ce soit non loin du parc Lumpini à Bangkok, à un carrefour au cœur d’Udon Thani, à la campagne ou en ville, il est assez fréquent de trouver de multiple petites statues de zèbre. Elles sont en principe coincées les unes contre les autres sur un ou deux mètres carrés. Certaines faisant 10 cm d’autres 50 cm, elles s’additionnent le long de rue, où non loin d’un temple. Du coup, elle laissent le visiteur bien souvent perplexe sur la signification de cet amoncellement.
En effet, le zèbre par son origine est un animal qui est plutôt de l’ordre du bestiaire africain qu’asiatique. Donc quel lien peut unir cet animal et la Thaïlande ?
Des zèbres et des zébras …
Premier élément de réponse. Il est très fréquent de voir que le zèbre (la statue) se trouve généralement non loin d’un autel ou d’un espace où des fidèles viennent de temps à autre se recueillir. Ce lieu de prière est toujours au bord d’une route avec un trafic plutôt significatif.
Intuitivement on se dit qu’il y a un lien entre les deux. On soupçonne alors que derrière cet amoncellement se cache encore un peu de superstition et de symbolique. En fait, les statues de zèbre révèlent ce que l’on nomme en anthropologie : la théorie des signes. Ce paradigme souligne un élément que l’on retrouve dans de nombreuses cultures : celle de voir un signe dans un objet et de lui accorder un pouvoir ou une efficacité symbolique.
La théorie des signes
Pour comprendre, il suffit de se plonger par exemple dans les vieilles recettes de grand-mère pour lutter contre telle ou telle maladie. Ainsi, pendant longtemps, le moyen que l’on trouvait le plus efficace pour combattre les céphalées ou les maux de tête étaient de boire un petit vin de noix, ou de préparer une décoction à base de noix. Pourquoi ? La noix (quand on arrive à l’ouvrir s’en l’éclater totalement) ressemble à…un cerveau. De même que la racine jaune de la rhubarbe était considérée efficace contre la jaunisse. Analogie, ressemblances entre un objet et un désir d’efficacité sur un maux, un inconvénient, un danger, un risque.
Le zèbre alors ? Et bien quand on observe bien l’emplacement des statues, que voit-on la plupart du temps … ? Un passage piéton ! Une rue zébrée à un lieu déterminé pour que l’on puisse passer d’un côté ou de l’autre.
Le zèbre est ici l’animal qui incarne sans hésitation le mieux la caractéristique première du passage piéton. Il est l’animal totem, l’animal porteur d’une traversée sans encombre. Celui qui, par sa nature, est tout désigné à porter le piéton vers un passage sûr ou d’accompagner un véhicule à passer et à bien gérer ce lieu de croisement. Le zèbre affiche clairement sa propension à cette capacité. Il le porte sur lui, aucune de ces lignes noires (ou blanche, au choix) ne se croisent.
Une croyance populaire et résistante
Il y a quelques années, un groupe de rock thaï (punk) Fuckghost s’est fait remarquer pour avoir publié une affiche où l’on voyait un individu faisant semblant de marcher sur un petit nombre de zèbres. Les réactions ont été très vives de la part de nombreux internautes. Même si l’un des membres du groupe a tenté en vain d’expliquer leur intention par le fait que les croyances et les superstitions étaient trop présentes en Thaïlande, rien n’a pu arrêter la polémique. On se doit de respecter l’animal totem et de prendre en considération la croyance d’autrui.
Donner du sens et de l’efficacité
Les statues des zèbres ne sont que des exemples de ces manifestations propres à chaque société où les individus recherche un sens, un moyen d’accompagner : combien de fleurs ou de couronnes en France sur des lieux d’accidents ? Combien de micro-chapelles sur les bords des routes grecques ? La route est un lieu loin d’être anodin,. C’est un lieu d’accidents et de morts, un lieu où le danger est permanent et où il est nécessaire de trouver des protections … matérielles ou spirituelles.