Des pratiques d’antan aux rituels touristiques

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Des pratiques d’antan aux rituels touristiques

Réflexion autour de pratiques touristiques. Mimétisme de rituels ancestraux, ces témoignages parsèment les sites historiques. Questionnement autour des cairns.

Ayutaya

Petite observation

Il est parfois intéressant de se poser quelques instants lors de la visite d’un site touristique pour observer non pas le lieu en lui-même, mais plus les personnes venant le visiter. En effet, l’hommo-touristicus est avant tout un individu confit de rituels, de croyances, de peur. Cette dernière caractéristique l’amène bien souvent à un comportement grégaire, le poussant à faire comme son voisin : visiter tel endroit et non pas un autre, aller dans tel ou tel hôtel car il recommandait par son guide bible.

La question qui nous préoccupe ne concerne pas spécialement les différents types de touristes que l’on croise ou que l’on peut être, laissons cette thématique aux revues spécialisées. Le sujet qui nous interpelle concerne certains rituels que tout un chacun peut accomplir ou observer.

Des rituels touristiques

Ainsi, chacun de nous a pu constater qu’un grand nombre de voyageurs se rendant à Paris a pris comme habitude pour témoigner de son amour d’accrocher un cadenas sur les ponts des Arts. La symbolique est simple à comprendre, le message est clair, le rituel explicite. D’autres encore aiment griffonner leurs initiales accompagnées d’une date sur le mur d’un site ou sur un support pouvant recevoir ce témoignage de leur passage. Rituels étranges pour lesquels beaucoup de questions peuvent se poser : s’agit-il d’un mimétisme social (faire comme l’autre ?) ? Ou d’une pratique purement touristico-mystique implorant tels ou tels saints, dieux, fantômes ? Ou tout simplement d’une volonté de dire « je suis passé par là » comme l’a illustré l’histoire de ce jeune chinois qui a laissé ses initiales sur une fresque datant de plus de 2500 ans en Égypte….

Cairns des temples d'Ayutthaya Cairns des temples d'Ayutthaya

Les cairns

Les rituels qui nous interpellent aujourd’hui ou du moins la pratique qui nous questionne, concerne la construction de petits cairns ou de montjoies. De quoi s’agit-il ? Ces deux termes sont souvent méconnus du grand public mais pourtant la chose est bien connue. Un cairn ou un montjoie est un amas de pierre, un tumulus qu’une personne ou un groupe d’individus a construit volontairement dans un lieu donné. Ainsi, lorsqu’on se rend à Ayutthaya et dans certains temples, on peut constater les nombreuses présences de ces monticules de pierres. Pas très hauts – entre 25 cm et 40 cm – composés d’une vingtaine de cailloux ou de morceaux de briques, ils sont dispersés un peu partout dans les temples.

Une pratique volontaire ?

De temps en temps, un ou deux s’affaissent, mais quelqu’un de passage va prendre le soin de le rebâtir. De fait, à chacun de nos passages, nous les avons toujours vus, mais avec une forme différente (plus petit ou plus grand, plus volumineux ou moins, etc.) et avec un autre positionnement donnant l’impression qu’entre deux visites, ces amas de pierre se sont déplacés… Impression étrange et d’un certain côté poétique (une pierre animée, une pierre vivante).

On trouve un peu partout ces amas dans le monde que ce soit en Europe (en France notamment dans les Alpes ou les Pyrénées ou en Allemagne), en Afrique du Nord, sur le continent américain, en Asie, en Océanie.

Une pratique donc mondiale, mais une signification sans aucun doute plus complexe qu’on peut le croire.

Quelle est l’utilité de ces cumulus et de ces rituels  ?

Donner du sens

Un premier élément de réponse peut-être avancé : un cairn n’est pas naturel, il est obligatoirement construit de la main de l’homme. Additionnés les uns aux autres à quelques dizaines de mètres, ils tracent une ligne, un chemin. Ils délimitent un espace, une frontière. On le trouve ainsi dans des zones arides où il est difficile de se repérer. Le cairn est alors une balise, un peu comme la bouée qui permet aux marins de retrouver une voie sans encombre pour rentrer au port. Pour l’anecdote, le terme cairn se traduit par le terme hermios, du dieu des voyageurs Hermès. Ces amas de pierres étaient déjà à cette époque le meilleur moyen pour retrouver son chemin, son itinéraire.

Dans un certain sens, il flèche, il donne du sens pour trouver ou aller vers quelque chose. Il indique donc un lieu, un endroit précis. Que ce soit une grotte, un abri, une source d’eau, il est là pour aider le novice à retrouver quelque chose.

Cairns des temples d’Ayutthaya

La mémoire

Il y a aussi un autre aspect utilitaire et fonctionnel de faire un tas de pierre, celle de cacher. En effet, faire un cairn constitue un effort, un investissement certains. On amasse une quantité significative de cailloux pour ériger une masse pouvant dissimuler quelque chose ayant de la valeur. L’intention est donc paradoxale : on ne désire pas que ce quelque chose soit découvert, mais en même temps le cumulus montre qu’il y a quelque chose.

La fonction est alors simple à comprendre, le cairn devient un tombeau. Il est là pour protéger le corps du défunt et devenir, par force des choses, une sépulture où l’on peut venir se recueillir. C’est un lieu de mémoire, un lieu de recueillement. Plus généralement, on érige des montjoies pour commémorer un évènement important pour un groupe donné, une bataille par exemple.

Cairn et Chedi, similitude ?

Alors quel rapport avec les cairns des temples d’Ayutthaya ? Ils ne sont ni balises, ni sépultures, ni un quelconque fléchage. En fait, le lien entre sépulture et lieu sacré doit être plus approfondi. Déjà on peut déjà souligner la ressemblance entre un stupa et un cairn. S’agit-il d’un simple mimétisme ? Le visiteur veut-il simplement imiter ce qu’il a face à lui ? Pas sûr et pas suffisant comme réponse. En fait, on doit aller au-delà de ce premier constat. Il semble plus que le cairn est un élément à part entière du rituel religieux. On construit sa base, on l’élève et on espère qu’il tiendra longtemps. Symboliquement, le geste est empreint de croyances et d’espoir. Si le cairn délimite un espace, une frontière, on peut penser, symboliquement, que le cairn est l’axe ou du moins la pierre angulaire permettant à tout croyant de s’élever et de quitter ce monde ci pour en trouver un autre. Il est un repère tout autant matériel que spirituel. De fait, on se rend compte que généralement ces cumulus sont associés au monde des esprits et au fait religieux.

L’art du même

Mais à nouveau, dans les cairns des temples d’Ayutthaya, doit-on y voir obligatoirement des rituels religieux ? Après tout, les montjoies ne seraient-ils pas une simple expression artistique commune à différentes cultures ? On s’amuse à mettre des pierres les uns sur les autres, jouant avec les règles de l’attraction terrestre. On en trouve bien sur la plage, alors pourquoi cette expression devrait-elle se cantonner à des endroits précis ? En fait, les cairns des temples d’Ayutthaya doivent regrouper un petit peu toutes ces intentions. Pour répondre pleinement à la signification de ces cairns, il faut tout simplement interroger les acteurs. Sans aucun doute, on se rendrait compte que dans cet acte, il y a tout autant une pratique culturelle qu’une intention, une volonté propre à l’individu.

Cairns des temples d'Ayutthaya Cairns des temples d'Ayutthaya

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